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Un maître-chanteur dans l’ascenseur

Un maître-chanteur dans l’ascenseur

Un maître-chanteur dans l'ascenseur
Mis en ligne le mardi 10 février 2009.

Publié dans le numéro 29 (jan.-fév. 2009)

Cette énigme sera nettement plus facile à lire au format PDF du magazine.

La solution se trouve au bas de la page.

Jeudi 2 mai 1963. Le corps de Maurice Récamier a été découvert dans l’ascenseur de l’immeuble dont il était propriétaire. La plupart des locataires avaient de bonnes raisons de souhaiter sa mort : mais lequel est passé à l’acte ? À vous de le découvrir.

L’immeuble

Tout l’immeuble était la propriété de la victime. Il y a un appartement par étage.

Impossible pour une personne étrangère à l’immeuble d’entrer sans se faire ouvrir la porte par la concierge. Pour accéder à l’immeuble, on doit traverser une cour de terre battue. On passe ensuite devant la loge de la concierge, qui voit toutes les allées et venues.

 

Le témoin

Marie Le Brennec, 47 ans

Concierge depuis 1954.

Loge au rez-de-chaussée.

 

Handicapée légère, elle n’aurait pas eu la force de tuer la victime ni la souplesse nécessaire pour sortir de l’ascenseur bloqué. Elle est donc considérée comme témoin et non suspecte, contrairement aux autres occupants de l’immeuble.

« Personne d’étranger à l’immeuble n’est venu aujourd’hui, à part le facteur à onze heures ce matin. J’ai passé la journée chez moi. La plupart du temps, j’étais dans ma loge, où je peux voir les allées et venues des locataires. Je peux vous dire qui est entré et sorti, mais je n’ai pas toujours fait attention à l’heure.

J’ai vu rentrer M. Prouvost pendant «L’antenne est à vous». M. Courgeon est rentré peu après cinq heures, on a bavardé cinq minutes.

J’étais en train de regarder la fin de «Rintintin» quand il s’est mis à pleuvoir. Comme c’était la première fois depuis quatre jours, je suis allée vérifier dans les escaliers qu’il n’y avait pas de fenêtre ouverte. En redescendant, j’ai croisé M. Récamier qui sortait de son appartement, il a monté l’escalier. Je suis ensuite rentrée voir le film qui commençait tout juste. Pendant qu’il passait, j’ai vu rentrer Mme Plevinsky et aussi M. Ampère.

Les informations étaient en train de se finir quand M. Paoli est arrivé ; une minute plus tard, il est venu me dire que l’ascenseur était bloqué, ce que je suis allée constater. J’ai appelé le réparateur, qui est venu à sept heures. C’est lui qui a trouvé le corps de M. Récamier. »

 

 

Les suspects

 

1er étage

Jean-Louis Prouvost, 24 ans

Neveu et unique héritier de la victime

Dans l’immeuble depuis 1960.

Étudiant à la Sorbonne, il est allé en cours à 11h20 et est sorti de l’université à 15h45 (alibi confirmé).

« Mon oncle était un ignoble individu. Il profitait de sa position de propriétaire pour s’introduire chez les gens sans aucun scrupule et fouiller dans leurs affaires à leur insu. Je sais qu’il en a déjà tiré avantage auprès de certains locataires, en plus il embêtait tout le temps les femmes, c’était un vrai obsédé. »

 

2e étage

Charles Ampère, 49 ans

Habite l’immeuble depuis 1956.

Est allé travailler à l’étude de notaire où il est employé, de 8h30 à 12h05 et de 14h à 17h30. L’alibi est confirmé par ses collègues. Son bureau est à 10 minutes de l’immeuble.

« Je suis allé boire un café et lire mon journal, je suis arrivé à six heures dix. Je ne prends jamais l’ascenseur, je ne sais pas s’il était encore en état de marche. »

 

3e étage

Paul et Christine Courgeon, 34 et 37 ans

Dans l’immeuble depuis 1954.

Christine Courgeon était dans sa famille en province en déplacement en province depuis le mardi. Son mari Paul est employé dans un magasin de la rue voisine de 10h à 17h (alibi confirmé).

« Je suis arrivé chez moi à cinq heures dix. J’ai vu M. Récamier vers six heures moins le quart, il est venu voir mon lavabo qui fuit. Il est resté quinze minutes environ. »

 

5e étage

Germain et Annick Plevinsky, 41 et 32 ans.

Dans l’immeuble depuis 1962.

Germain est professeur de lettres, il n’avait pas cours ce jeudi.

« Je suis resté chez moi pour corriger des copies, je suis juste sorti pour déjeuner au café d’à côté. Je n’ai rien remarqué d’anormal et je n’ai vu personne jusqu’au retour de me femme à 18h20. »

Annick est sténo-dactylo à EDF. Elle a terminé son travail comme tous les jours à 17h30.

« Je suis allée faire des courses, il devait être six heures et quart quand je suis rentrée. J’ai dû monter à pied avec mes paquets, car l’ascenseur était en panne. »

 

6e étage

Giuseppe Paoli, 55 ans

Dans l’immeuble depuis 1954.

Mécanicien, il est allé travailler dans le garage où il est employé en banlieue. Il y est arrivé à 8h et en est reparti à 18h10 (alibi confirmé). Il lui faut au moins 30 minutes pour arriver chez lui.

« Je suis rentré vers sept heures moins le quart, une heure plus tard que d’habitude. L’ascenseur était en panne, j’ai dû monter les six étages à pied. »

 

Les indices

 

Programme télé de la RTF

13h00 Journal télévisé

14h30 Télévision scolaire

15h00 L’antenne est à nous

16h30 Feuilleton : « Les vacances » avec Françoise Hardy.

17h25 Rintintin

17h45 Théâtre de marionnettes

17h50 Dramatique : « Un fameux coup de chapeau » avec J.-P. Cassel

18h30 Informations

18h45 Nos amies les bêtes

 

L’ascenseur

C’est un modèle ancien, sans porte intérieure. La cabine, en bois, n’est pas visible de l’escalier. À chaque étage, une porte coulissante s’ouvre manuellement.

L’ascenseur était bloqué entre le 3e et le 4e étage. Le réparateur a pu y accéder par le 3e étage en ouvrant manuellement la porte coulissante. On peut supposer que le coupable est également sorti par cette issue.

L’ascenseur est tombé en panne en raison du choc violent porté par la tête de la victime contre le panneau de commande, qui a provoqué un court-circuit.

Sur le sol de l’ascenseur, en linoléum, il y avait des traces de boue provenant de la cour de l’immeuble. Ces traces ne sont pas identifiables et on en a trouvé des similaires à tous les étages, en raison de la pluie qui a rendu la cour boueuse.

 

Le corps de la victime

Il reposait assis dans l’ascenseur. La cause du décès est un violent choc de l’arrière du crâne contre la paroi de l’ascenseur, qui a provoqué un accident vasculaire cérébral - la mort a dû être immédiate. La victime a sans doute été violemment poussée, mais pas forcément avec l’intention de tuer.

La victime était en chemise et gilet. Ses habits et ses chaussures n’étaient pas mouillés ni salis. On a trouvé sur elle une enveloppe en papier kraft contenant 750 F. Il n’avait ni clé ni papiers sur lui.

 

Contenu du carnet à spirale

Le carnet est un relevé de dates et de sommes d’argent, chacune associée à une lettre.

(les sommes sont en anciens francs jusqu’en 1960, puis en nouveaux francs)

750 F en début de chaque mois depuis 1955 par « P ».

600 F en début de chaque mois depuis 1957 par « C ».

600 F généralement en début de mois, depuis 1961, par « G ».

500 F depuis mai 1962 par « A ».

 

L’appartement de la victime

4e étage

Sur le sol, des traces de boue.

L’appartement dénote une personnalité très ordonnée, limite maniaque. Les livres sont classés par ordre alphabétique. Mais le bureau a visiblement été fouillé. Dans un des placards, où sont rangées des boîtes de photos personnelles, un emplacement correspondant à une boîte à chaussures est vacant. La boîte est introuvable. Mais sous l’armoire, la police a découvert deux documents qui ont pu s’en échapper.

 

Document 1 :

Une photo de Giuseppe Paoli en « chemise noire » qui doit dater du régime Mussolinien.

 

Document 2 :

Une lettre d’amour très explicite signée « Bernard », datée du 12 mai 1962. La destinataire est seulement nommé « mon amour » mais il apparaît que c’est une femme mariée.

 

Solution

 

La concierge a vu Récamier en vie quand elle nettoyait les escaliers, donc entre 17h45 et 17h50 (entre la fin de Rintintin et le début du film). Elle a constaté que l’ascenseur était bloqué à 18h30 environ. Le meurtre a donc eu lieu entre ces deux moments.

 

Les traces dans l’ascenseur ne provenaient pas de Récamier.

 

La clé de l’énigme est évidemment le petit carnet découvert sur la victime : c’est là que Récamier, maniaque, notait les sommes extorquées par chantage à certains locataires.

La façon dont son appartement a été visité laisse supposer que le coupable y est allé pour récupérer des documents embarrassants le concernant.

 

Il faut donc identifier les personnes que Récamier faisait chanter.

On les connaît juste par des dates, des lettres (initiales des prénoms, ou des noms ?).

P est rançonné depuis 1955, seuls deux locataires étaient dans l’immeuble à cette date : Giuseppe Paoli et le couple Paul & Christine Courgeon.

Récamier avait sur lui 750 francs dans une enveloppe : on peut supposer qu’il venait de toucher l’argent de « P ».

Paoli n’était pas dans l’immeuble cet après-midi-là, ce n’est donc pas lui que Récamier avait rançonné. Reste donc Paul Courgeon, qui d’ailleurs admet l’avoir vu.

Si Paul est P, on en déduit que les autres sont aussi nommés par l’initiale de leur prénom.

 

G doit être Giuseppe Paoli (on sait que Récamier avait au moins une photo compromettante de lui)

C doit être Charles Ampère.

A doit être Annick Plevinsky : sans doute la femme mariée dont il est question dans la lettre de Bernard.

On peut donc innocenter le neveu, qui est héritier, mais n’avait pas de raison d’aller cambrioler son oncle après l’avoir tué, au risque de se faire repérer.

 

Paoli est arrivé après le blocage de l’ascenseur, il est donc hors de cause.

 

Le coupable a laissé des traces de boue dans l’ascenseur et l’appartement de Récamier. Ces traces ne provenaient pas de la victime, qui avait les chaussures propres car il n’était pas sorti de l’immeuble après le début de la pluie. Le coupable est donc passé dans la cour boueuse après 17h45, heure du début de la pluie. Ce n’est pas le cas de Courgeon, qui est donc hors de cause.

 

Ampère est bien arrivé après la pluie. Mais il habite au deuxième étage  : il n’avait aucune raison de se trouver entre le 3e et le 4e étage dans l’ascenseur avec la victime.

 

Annick Plevinsky prétend être arrivée à 18h15 : en réalité, elle est arrivée vers 18h, et a pris l’ascenseur pour monter chez elle, au 5e étage. Au 3e étage, Récamier est entré dans l’ascenseur, il sortait de chez Paul Courgeon avec son enveloppe et allait chez Giuseppe Paoli, qu’il espérait trouver chez lui. Il a peut-être tenté un geste déplacé sur la jeune femme ; celle-ci, en tout cas, l’a poussé avec violence, provoquant sa mort et bloquant l’ascenseur entre le 3e étage et le 4e.

Elle lui a pris sa clé et est parvenue à sortir, est allée récupérer la caisse contenant des documents compromettants, puis est rentrée chez elle.

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