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Aimez-vous Racquel Jing ?

Aimez-vous Racquel Jing ?

Aimez-vous Racquel Jing ?
Mis en ligne le samedi 1er mars 2008 ; mis à jour le jeudi 29 mai 2008.

Publié dans le numéro VIII (mars-avril 2008)

Trois lecteurs se prêtent au jeu de la critique littéraire en aveugle : ils commentent le texte ci-dessous, dont ils ignorent l’auteur. La solution est cachée dans la bande dessinée (pages suivantes) et dans l’anagramme du titre. La rédaction du Tigre décline toute responsabilité quant aux propos tenus sur les écrivains célèbres.

Elle dénouait ses sandales, et ses pieds nus brillaient sur le tapis frais de la mousse. Ses seins haletaient sous la soie légère avec un mouvement imperceptible. Elle dénouait ses cheveux qui se répandaient sur le gazon comme une flaque. Elle étendait autour d’elle ses bras aux muscles chauds qui tremblaient sous la peau avec l’ardeur d’une vie fascinante. Enfin elle tournait la tête vers lui et laissait filtrer de ses yeux une lueur gluante comme le voile même du sang qu’elle traversait. Elle reposait devant lui, entièrement offerte à celui d’où à chaque seconde elle tirait le miracle de la prolongation de sa vie, et il lui semblait tantôt qu’une masse de métal fondu, d’une dévorante chaleur, naquît de ses seins houleux et insupportables, et comblât les cavernes de sa chair des coulées d’un feu liquide, et tantôt qu’elle s’enlevât tout entière avec une délirante légèreté vers le ciel bleu et lointain qui l’aspirait comme un puits de lumière fraîche au-dessus de sa tête entre les cimes des arbres. Et telle était en elle l’explosion de la vie qu’il lui paraissait que son corps sous la chaleur de fournaise allait s’entrouvrir comme une pêche mûre, sa peau dans toute sa massive épaisseur s’arracher d’elle et se retourner tout entière vers le soleil pour épuiser les feux de l’amour de toutes ses artères rouges, et sa chair la plus secrète s’arracher aussi depuis le fond d’elle-même en lambeaux convulsifs et jaillir dans ses mille replis comme un drapeau claquant de sang et de flamme à la face du soleil dans une inouïe, dernière, et terrible nudité.



Critique : Léo Trabant

Commençons par le verdict, histoire de gagner du temps : l’empereur se prononce contre. Hop. Le pouce vers le sol, qu’on l’achève. Aujourd’hui César n’est pas magnanime. Explications. Mon premier reproche est l’inconsistance de la scène. Une jeune fille se dévêt, s’offre sur un lit de mousse à son amant pétri de concupiscence. Formidable. Mais, à quoi bon ce feu d’artifice de clichés flous, de phrases pompeuses et confuses, cette logorrhée désarticulée ? Laissez donc la syntaxe tranquille, elle ne vous a rien fait. Les phrases sont de plus en plus longues, les images d’une consternante inefficacité. J’ai l’impression, un peu sale, un peu collante, un peu sucrée, d’être plongé dans une version soft-porn de L’Enchanteur de Barjavel. Bon. À la relecture, c’est encore pire. Aucun rythme, aucun souffle, aucun entrain. Bienvenue dans la mélasse. Tout ce texte est empreint d’une indicible lourdeur. Honnêtement, je ne vois rien à en sauver. Si l’auteur de ce texte existe, je lui souhaite de n’être jamais publié. Et puis, par pitié, qu’on cesse ainsi de recourir, à tort, à travers et sans discernement, à l’imparfait du subjonctif.

[Trois auteurs...] Trois auteurs susceptibles d’avoir vomi cet étron, les pauvres : Barjavel. Marc Lévy. Victor Hugo, on ne dira jamais assez de mal de Victor Hugo. Non, décidément, ma sentence est sans appel. Qu’on le jette aux lions.



Critique : Luc La Chance

Voilà un texte bizarre qui laisse une impression de malaise. Au premier abord, en lisant vite fait, on se dit : « C’est chaud ! » Premier texte érotique proposé par le Tigre, on se dévergonde, dites donc ! L’ambiance semble bucolique et très sensuelle, quelque chose va se passer à ne pas mettre sous tous les yeux. Et puis il y a ses deux mots qui viennent tout gâcher : une « lueur gluante ». Gluante ! D’un coup l’excitation retombe, on est refroidi, malgré l’accumulation d’expressions et de mots suggérant la chaleur, le feu (muscles chauds, ardeur, métal fondu, dévorante chaleur, etc.). Il se dégage de ce texte une désagréable impression de ringardise, un style un peu vieillot, pour un peu on se croirait dans un mauvais roman de gare, genre Delly ou Max Du Veuzit, ou dans un soap télévisé, comme Les Feux de l’amour ! D’ailleurs cette expression est dans le texte, texte qu’on ne devrait, à la limite ne lire qu’une fois, d’une traite, pour se laisser avoir par une (mauvaise) première impression. Parce qu’il ne résiste pas à une lecture attentive et critique. C’est rempli de clichés éculés, de poncifs en tous genres. Vraiment pas envie de lire la suite, ni même de savoir qui a commis ceci.

[Trois auteurs] Alors puisqu’il faut désigner trois coupables, allons-y pour Delly, Slaughter ou Mary Higgins Clarke, trois auteurs que je n’ai jamais lus et que je ne lirai jamais. Je n’ose imaginer une plume plus célèbre, et qui nous aurait habitué à mieux, à bien mieux !


Critique : Point Faible

D’habitude, je n’aime pas ces seins haletant « sous la soie légère avec un mouvement imperceptible », car, d’habitude, je l’avoue, je penche plutôt pour les mouvements perceptibles, comme celui de ces « seins houleux », par exemple, même s’ils doivent être insupportables, et ils le seront toujours moins qu’une « lueur gluante » une « chaleur dévorante » ou tous les autres gros rouges et grands brûleurs de cet extrait qui, pour me surprendre dans son final, semble avoir été corrompu par un enfant de mauvais genre. Les adjectifs phénoménaux et paranormaux sont là, certes, mais qu’un texte vêtu si outrageusement parvienne, dans sa seconde partie, à cette « terrible nudité » par un filage si subversif et étouffant des poncifs, qu’il arrive à un grand vide par un trop plein étrange et beau et autre, tout cela m’induit à conclure à du post-XIXe plus que pastiche d’un fan perdu mais suavement génial

[Trois noms] Sans doute pas Nothomb, peut-être pas Gracq, encore moins Mandiargue, alors qui ?

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