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où l’on dispute du juste rapport entre travail et profit, et de la nécessaire soumission aux autorités

où l’on dispute du juste rapport entre travail et profit, et de la nécessaire soumission aux autorités

où l'on dispute du juste rapport entre travail et profit, et de la nécessaire soumission aux autorités
Mis en ligne le vendredi 12 décembre 2008.

Publié dans le numéro X (juillet-août 2008)

La production clandestine et le trafic de drogues sont des pratiques scandaleuses car ils incitent à des pratiques gravement contraires à la loi morale. Catéchisme de l’église catholique, § 2291

Vous êtes serveur, Monsieur, c’est une activité déclarée  ? – Moitié-moitié, Monsieur. 

devant la salle d’audience le hall était encore vide ; parfois des avocats en habit passaient, surtout des femmes aux cheveux longs, lâchés ; un homme blanc, petit et bedonnant, portant des verres épais et habillé d’une chemise rose pâle, avait traversé le hall, les épaules rentrées, un dossier sous le bras ; il s’était arrêté devant une porte et attendait là

Il vous est reproché, Monsieur, d’avoir offert ou cédé sans autorisation administrative de la cocaïne. Alors vous avez déclaré... C’est illisible, je n’ai pas l’original. Qu’est-ce que vous avez dit ? « Je me faisais... » – « Je me suis fait attraper », non ? – Oui c’est évident, c’est cela. Il faudrait un archiviste paléographe agrégé pour pouvoir deviner.

deux minutes plus tard un bruit de serrure avait résonné et une jeune femme noire, grande et élégante, avait entrouvert la porte, tendu son stylo vers le dossier que lui présentait le petit homme, signé et lancé : Voilà Jean-Pierre, c’est fait ; elle avait refermé la porte, le petit homme son dossier et le hall s’était vidé de nouveau

Vous entrez dans le bar dit euh Le Phénix. – Oui Monsieur, je suis allé au Phénix c’est ça. – Vous commandez une boisson, ce qui jusque là est tout à fait banal et adapté au lieu.

une femme était passée, avait demandé la 15ème Chambre à un autre visiteur ; pendant qu’ils cherchaient, un vieux gendarme en képi s’était arrêté, avait consulté ses papiers : il ne savait pas non plus ; tous trois s’étaient engouffrés dans le couloir d’où venaient de sortir le visiteur et le gendarme

Vous partez vers les toilettes et une des deux clientes vous rejoint, vraisemblablement pour faire l’échange. Vos clientes vous connaissent sous l’alias de Toto. – C’est ma famille qui m’appelle comme ça. – Oui, c’est votre sobriquet quoi.

quelques minutes plus tard la femme était ressortie, sans le visiteur ni le gendarme mais avec le petit homme en chemise rose ; ils avaient redescendu les escaliers

Donc on trouve sur vous le kit du parfait dealer : des petits sachets en plastique pour conditionner la drogue, du bicarbonate de soude pour la couper, une balance de précision, et une petite tirelire qui contient 500 euros. C’est une somme non-négligeable ça, 500 euros. Alors, qu’est-ce que vous dites au tribunal de votre activité accessoire ? Vous vous faites un joli profit, ça vous permet de dire que vous ne souhaitez pas travailler davantage.

(le prévenu, Grégory, se tordait les mains ; il était petit, solide, nerveux ; je m’étais étonnée de lui voir un air gêné, qui semblait incompatible avec l’énergie de son visage)

Alors vous avez beaucoup d’amis hein ? Ce sont des gens qui sont dans le monde de la mode, du spectacle... – Oui, je vais à des fêtes. – C’est de la cocaïne festive, oui, c’est ça.

un homme antillais d’une quarantaine d’années, à la mise et aux traits fins, s’était arrêté en haut des escaliers, l’air égaré ; un avocat en habit s’était approché : Bonjour Maître, puis-je vous aider ? ; j’avais alors remarqué la robe noire que l’antillais portait pliée sur le bras ; La 11ème Chambre, oui, c’est juste en dessous. Mais je vous en prie.

Alors vous avez 24 ans... – 23 ans ½, Monsieur. – Oui enfin c’est dans 15 jours votre anniversaire.

les gendarmes étaient allés saluer chaque avocat : Bonjour Maître. Quelle affaire ? et pointaient à mesure sur leur feuille d’audience ; l’un d’eux était venu vers moi, puis vers un couple qui attendait là  : Vous êtes convoqués ? ; une jeune femme en habit cherchait son client et demandait à chaque homme :  Vous êtes Monsieur Naceri ?

Vous avez déjà été arrêté pour d’autres faits. Vous n’êtes pas sur la bonne pente Monsieur. – Non Monsieur, j’ai dérivé un petit peu. – Pardon Monsieur ? – Je dis j’ai dérivé un petit peu, Monsieur.

(la parole avait été donnée à la procureure ; elle avait annoncé qu’elle n’allait pas insister sur les dangers de la cocaïne qui s’étale à la une de tous les magazines et sur les affiches de tous les kiosques à journaux ; elle avait insisté longuement sur ces dangers et sur la prise en charge sociale de ce fléau  ; l’avocat de Grégory s’était avancé ; il avait parlé longtemps, avec emphase, sans conviction)

Monsieur le Président, mon client fait partie de cette jeunesse qui a tendance à banaliser. Mais quand on voit des politiques envoyer des pétards à l’Assemblée Nationale, c’est beau comme exemple, et puis quand la Légion d’Honneur est décernée à des groupes qui prônent la fumette...

une adolescente blonde, séduisante, était venue poser une question à un jeune gendarme ; il avait caché le trouble qu’elle lui causait dans la consultation précipitée de ses feuilles d’audience ; ils avaient continué à parler un certain temps, elle, curieuse, sûre d’elle, exagérant sa naïveté, lui embarrassé et flatté de ce rôle d’instructeur qu’elle lui donnait

Je sais que cela le gêne, mais il n’y a que lui pour penser qu’il n’a pas été balancé ou par son concurrent ou par son gentil donateur, et que les policiers se trouvaient là comme par hasard Place de Clichy avec des jumelles.

une avocate en robe avait installé un enfant de 10 ans sur un banc  ; elle lui avait expliqué la disposition de la salle, montré la greffière, l’endroit où seraient les juges, le banc des avocats, le banc des prévenus qui arrivaient libres, le box des prévenus qui avaient été incarcérés préventivement, puis elle s’était éclipsée : Je suis dans la Chambre juste en face mon chéri

Monsieur le Président, vous avez ici un jeune homme de 23 ans qui a toujours travaillé dans un domaine où il y a de l’emploi, je vous demanderais du sursis avec mise à l’épreuve et obligation de soins.

Quant à l’accusé, n’est-il pas de son intérêt de se justifier publiquement ? Il n’aura pas alors à redouter les manœuvres sourdes que peut tramer l’iniquité contre lui, le complot de sa ruine facile à exécuter dans le sein de l’obscurité entre son juge et son accusateur. Il verra les coups que son ennemi lui porte, il saura les parer, il n’aura pas à craindre qu’un juge partial séduise par des questions captieuses des témoins ignorants, qu’un greffier infidèle altère et défigure ses dépositions. Brissot de Warville, Théorie des lois criminelles

à peine l’audience avait-t-elle été appelée que la salle avait été évacuée pour trois requêtes  ; nous étions tous ressortis ; un avocat, l’air désolé, avait expliqué à son client que les requêtes se faisaient à huis-clos ; une avocate à qui je demandais pourquoi m’avait répondu : C’est ainsi, il ne doit pas y avoir de public.

Affaire n°5 ! – Je demande le renvoi du dossier. Mon client ne peut pas être présent, il vient d’être jugé en Assises et incarcéré. – Combien il a pris ? – 9 ans, Monsieur le Président. – Ce n’est pas banal.

(l’avocate s’était avancée très près des juges et avait presque chuchoté ; les juges avaient haussé les sourcils et accordé le renvoi ; l’avocate s’était éclipsée, la tête basse)

La soumission aux autorités légitimes et le service du bien commun exigent des citoyens qu’ils accomplissent leur rôle dans la vie de la communauté politique. Catéchisme de l’Église catholique, § 2239

Affaire n°3 !

(ni le prévenu ni les plaignants, deux policiers, n’étaient là, seule l’avocate de ces derniers s’était avancée  ; le juge avait lu d’un ton monocorde)

Il est reproché audit Moussa de s’être rebellé lors d’un contrôle d’identité et d’avoir déclaré : « Je baise vos grands-mères. Tous les flics de Paris sont des fils de pute. Je nique le Procureur aussi, tu peux écrire ça. » Le prévenu a par ailleurs fait ajouter au procès verbal  : « Je tiens à dire qu’on m’a traité de fils de pute. »

(le public avait souri ; deux jeunes hommes s’étaient poussés du coude en retenant leurs rires ; la procureure avait pris un air outré, la juge de gauche lui avait jeté un regard compatissant, et les deux autres réprimé un sourire ; un des gendarmes avait serré les mâchoires et lancé un regard entendu à un collègue)

Je crois que les faits sont suffisamment explicites. Moussa n’a absolument pas intégré qu’en face des forces de police il faut absolument obtempérer.

un électricien en bleu de travail, portant une échelle et un sac à outils, s’était arrêté à la croisée des trois escaliers, avait consulté son plan, et repris sa montée

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