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Diam’s sans jeu de mots, 3

Diam’s sans jeu de mots, 3

Diam's sans jeu de mots, 3
Mis en ligne le lundi 29 mars 2010 ; mis à jour le vendredi 12 mars 2010.

Publié dans le numéro 03 (13-26 mars 2010)

Stéphanie Binet, de Libération, m’a promis une réponse pour le quatrième épisode. D’ici là, elle souhaite me voir : c’est le fameux et sacro-saint tropisme journalistique de la « rencontre », sans lequel il semble impossible d’écrire. Tropisme auquel je cède à mon tour en allant dans les bureaux du Big up project, l’association lancée par Diam’s dont l’objet est de « contribuer à la protection et l’aide à l’enfance en difficulté notamment en Afrique » ainsi que de « promouvoir le dialogue, la solidarité et la diversité interculturels entre les jeunesses françaises et celle du monde entier, notamment africaine ». Projet qui a été lancé en fanfare lors de l’émission « Planète Rap » sur Skyrock, le 11 novembre 2009 : une heure pendant laquelle Diam’s, présidente de l’association, et Grace, vice-présidente, ont présenté le projet ainsi que des associations qu’elles allaient aider.

8 mars 2010. J’arrive à l’adresse postale du Big up project, en proche banlieue parisienne. Un petit immeuble banal qui héberge quelques sociétés, et des particuliers. Une boîte aux lettres indique « Big up project » ainsi que « Sébastien Catillon », le manageur de Diam’s. Sur l’interphone, j’appuie sur le bouton « Catillon ».
- Oui ? - Bonjour, je suis Raphaël Meltz, je suis écrivain, je cherche des informations sur le Big up project.
- Non. La réponse a le mérite d’être claire. - Vous êtes Sébastien Catillon ? - Oui. J’avais tout de suite reconnu sa voix, douce et assez aiguë, sereine et posée. - Je vous ai écrit un mail, vous l’avez eu ?
- Oui. Mais je ne veux pas parler. - Je cherche des renseignements sur le Big up project. - Vous êtes chez moi, là. - Oui, je vois, je suis désolé.
Il me dit qu’il va transmettre ma demande aux responsables du Big up project, je lui souhaite une bonne journée, et je m’en vais.

Sur le quai du RER, je suis en train de prendre des notes, mon portable sonne : c’est Sébastien Catillon, plutôt énervé, mais toujours avec sa voix douce. - Pourquoi vous venez chez moi ? Ça ne se fait pas d’aller chez les gens. Je m’excuse : - J’ai trouvé l’adresse, je suis venu voir sur place ce qu’il en était, je ne savais pas que c’était chez vous. - Mais on ne vient pas sans prévenir, on appelle, on prend rendez-vous. On écrit. Vous dites que vous êtes écrivain, vous savez écrire. Je suis pris à mon propre piège : accusé, à raison, de faire du journalisme de traque, où l’on va voir les gens juste pour avoir quelque chose à écrire. Le manageur continue : Moi, je ne vais pas me pointer au bureau du Tigre, comme ça.

Je repense au moment de l’affaire Marc L., quand des petits malins s’étaient amusés à aller fouiller dans ma vie privée, avaient balancé l’adresse du Tigre sur une page Facebook pour qu’on me surveille. Je me souviens très bien avoir eu quelques jours de paranoïa, pensant que Marc L. ou d’autres allaient envoyer des gens pour me casser la figure. C’est exactement ce que je suis en train de faire : c’est ça, être journaliste ? C’est déranger les gens ? Sébastien Catillon : Voilà, maintenant, c’est terminé, je n’ai plus envie de parler. Mais il ne raccroche pas - je le sens quand même intrigué par moi. J’essaie de défendre ce que je fais autour de S.O.S. Je lui résume les deux premiers épisodes du feuilleton, les accusations aberrantes de la presse envers Diam’s, le parallèle avec Daniel Balavoine et l’envie d’aider l’Afrique. - C’est pour ça que je m’intéresse au Big up project. - Oui mais attendez, s’il n’y pas d’informations, c’est qu’on n’a pas encore envie de communiquer là-dessus. En mon for intérieur je redeviens un peu journaliste : autant il n’y a aucun compte à demander à Diam’s en tant qu’artiste, autant quand on crée une association humanitaire, et qu’on fait publiquement appel aux gens pour la soutenir (puisque les royalties du disque lui sont reversées), on est obligé d’être un peu transparent. Ça fait trois mois et demi que Diam’s a lancé le projet officiellement : ce n’est pas anormal de demander des comptes. Je termine mon blabla sur ma démarche censément « différente », je m’excuse à nouveau de l’avoir dérangé chez lui, on se dit au revoir.

Dans le RER du retour, je me dis qu’un vrai journaliste aurait saisi la perche tendue par le manageur : après tout, il m’a rappelé, il m’a laissé parler. J’aurais dû lui proposer d’aller prendre un café, pour discuter, s’expliquer. Il y a quelque chose d’étonnant chez Sébastien Catillon, dans cette espèce de sérénité, dans cette façon d’être cité dans les chansons de Diam’s ou Sinik (« lui seul m’a compris »), dans cette drôle de place qu’il occupe, à la fois inconnu, et au centre de cette histoire entre les médias et Diam’s. Diam’s qui continue, vaille que vaille, à refuser les questions des journalistes. À Taratata, le 8 janvier, elle répondait aux questions de Nagui uniquement avec des fragments des chansons de S.O.S. Hormis un court échange, où Nagui lui dit : C’est l’album de la maturité. - C’est l’album plombant, quoi. Un album qui saoule tout le monde... - Non, c’est sérieux, c’est grave. Avant de chanter, Diam’s dit encore : Si, si, c’est Diam’s, elle se prend au sérieux, tout ça. Je vois son sourire triste, un peu désabusé. Je me sens exactement comme elle.

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