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Disette

Disette

Disette
Mis en ligne le samedi 27 mars 2010 ; mis à jour le dimanche 28 mars 2010.

Publié dans le numéro 03 (13-26 mars 2010)

Une nouvelle directive vient renforcer l’arsenal orthopédique de la morale publique visant la petite enfance. Tout bambin poussant des cris irraisonnés, tapant les autres, répondant à ses parents, devra être signalé aux services sociaux. Bien que retoqué par les sénateurs, le projet de loi instituant le dépistage de risques de «formation de malfaisance» continue son petit bonhomme de chemin. Une officine étrange a été créée en mars 2008 : l’Observatoire des risques de développement. La définition du sujet à risques selon son milieu, son manque d’éducation, son origine raciale ou ethnique, rappelle des souvenirs glauques. L’idée que se reproduit forcément le vice dans son creuset naturel de misères et d’afflictions prend sa source chez Drumont et autres polémistes xénophobes. Le dépistage dès le berceau, dès la crèche, rejoint la recherche de malformation en échographie ; la recherche du risque zéro n’est-elle pas la ligne d’horizon impérieuse et mortelle de l’encéphalogramme plat, no reaction no motivation ?

Un retour au Moyen Age dans les idées générales, une peur du sauvage vis-à-vis du manant (qui vit de ses mains, de la manne), de la plèbe, de l’informe, est indicateur de régression, de gel de la tolérance. De Chevènement et ses sauvageons à la chienlit de De Gaulle en passant par Eric Raoult qui vocifère sur les interlopes de l’internationale gay qui, selon lui, noyaute les antichambres du pouvoir, nous avons là tout un lot de rancoeurs de classe.

Que l’hirsute, l’énergumène, le bohémien, le routard, le comédien, apparaissent comme des facteurs d’insurrection potentielle, ce n’est pas nouveau. Nous retrouvons, dans les propositions de loi d’encadrement de la jeunesse à risques, les crispations des nantis sous la Restauration. Peur bleue des nécessiteux, besoin d’identifier et de repérer quartiers et personnes dangereuses, fichage des «éléments crépusculaires», l’on peut entendre dans l’amendement du sénateur François d’Aubert - le même qui voulait que Les Choristes soient au programme de troisième - un coloriage nouveau de la répression ; à quatre reprises, il évoque les auteurs d’actes de délinquance comme des «aberrations» - le terme employé par les amateurs de papillons chloroformés pour des spécimens atypiques qui font la valeur de la collection.

La terreur du crime est souvent une façon de l’appeler. L’on voit bien là la fascination du hobereau pour le braconnier. Les addicts des hudge founds, l’agiotage et la folie boursière n’ont jamais vu d’un mauvais oeil que la canaille assaille les collèges des obligés en banlieue. Pour que la ponction opère continûment, il faut et il suffit que le sommeil de tous soit protégé.

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