Dans l’arrière-boutique des ship managers
Dans l’arrière-boutique des anthropologues
« J’arrive à faire face à à peu près tout »
« Le respect de la diversité n’est pas une donnée française »
Une audience à la Cour nationale du droit d’asile
Grothendieck mon trésor (national)
Publié dans le
numéro 29 (jan.-fév. 2009)
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« Le
passage à 64 bits résout le problème presque
définitivement, la date butoir se situant à 292
milliards d’années. » Le 15 novembre 2008,
Vive_la_France décidait d’enlever le mot « presque »
avec cet argument évident : « Inutile, l’univers n’a
que treize milliards d’années. » On était
sur la page du « bug de l’an 2038 », qui menace les
ordinateurs de type Unix (soit, grosso modo, Mac et Linux),
qui utilisent un système de date codé sur 32 bits. Le
bug de l’an 2000 concernait les ordinateurs sous Windows, dont les
dates étaient sur deux chiffres, 00 succédant à
99, donc 1900 à 1999. Les Unix comptent le temps en secondes
depuis le 1er janvier 1970. En binaire, le plus grand nombre qu’on
peut écrire avec trente-deux 0 ou 1 correspond à
2.147.483.647 secondes, ce qui nous emmène le 19 janvier 2038
à 3 h 14 min 7 s, temps universel. Juste après le bug,
la numérotation ne reprendra pas au 1er janvier 1970 mais au
13 décembre 1901 (le nombre suivant en binaire correspondant à
2.147.483.648 donc entraînant une soustraction par rapport à
1970). Vous n’avez rien compris ? C’est normal. Sachez en tout cas
qu’il « n’existe pas de correctif simple pour ce problème,
dans la mesure où le format sur 32 bits est présent
aussi dans de nombreux formats de fichiers ». Et seuls des
ordinateurs en 64 bits peuvent éviter ce problème, de
façon donc quasi définitive voire définitive,
292 milliards d’années semblant suffisantes pour voir venir.
Cet article sur le bug de 2038 avait été proposé
à la suppression par Albanoreau en septembre 2007 : « Je
trouve vraiment débile de faire des articles sur des trucs à
venir dans plus d’une dixaine d’années. Pfff... Non mais ! »
Treize votants, unanimes, avaient choisi de conserver l’article, se
rangeant à l’avis d’El : « Je trouve vraiment
débile d’avoir à me prononcer sur ce genre de PàS
[Page à Supprimer].
Sur le fond, le «bug» existe déjà, mais il n’a pas
eu encore de conséquence, et ce sujet est parfaitement
encyclopédique, révélant une faille méconnue
des systèmes informatiques. » Cette proposition de
suppression était directement inspirée d’une autre,
concernant la page sur les JO de 2024. C’est Gérard_Mansoif
qui avait lancé le débat en mai 2007 : « Difficile
de trouver des règles objectives quant à
l’admissibilité des articles traitant d’événements
futurs : la coupe du monde 2010 est éligible, mais pas la
présidentielle 2012. Quid des JO de 2024 ? On ne doute pas
qu’ils auront lieu (les Wikipédiens ont des dons de voyance)
mais reconnaissons l’extrême pauvreté de l’article : on
ne peut même pas dire où ils auront lieu ni quelles
villes sont candidates (on a des «villes présumées
candidates», ça c’est du contenu encyclopédique !) et
on ne saura pas avant 2017... Autant dire que l’article restera
longtemps à l’état d’ébauche... » Page
conservée, par trois voix contre deux, Gérard_Mansoif
étant suspecté d’avoir créé un compte
faux-nez (masquant son identité habituelle) pour poster sa
demande. En septembre 2007, deuxième proposition de
suppression, nettement moins argumentée, par Axou : « 2024
c’est dans 17 ans, donc je pense qu’il est bien trop tôt pour
créer un article sur ces JO. » R proposa une règle
logique : « L’important n’est pas tant que les JO eux-mêmes
aient lieu en 2024, mais que la désignation de la ville-hôte
devrait avoir lieu en 2017 et qu’on ne peut pas considérer que
la campagne préalable à celle-ci commence avant 2015
(en d’autres termes, je trouve normal qu’on ait une page pour 2012 et
j’admets qu’on puisse conserver celle pour 2016, mais pas 2020 et
encore moins 2024) », et la suppression l’emporta cette
fois-ci par douze voix contre cinq. C’était l’occasion de
découvrir le nombre d’articles Wikipédia qui traitent
du futur. Ainsi la page sur l’année 2034 : « Le 20
mars aura lieu un double événement astronomique
(éclipse solaire totale du 20 mars 2034, équinoxe
vernal) », mais aussi : « Dans la série
télévisée Dans
une galaxie près de chez vous, 2034 est l’année
où le vaisseau spatial canadien Romano-Fafard décolle
pour chercher une nouvelle planète habitable pour les
Terriens. » 2032 : « fin de la concession des
autoroutes françaises pour ASF, Cofiroute. » 2019 : « 2
mai : Élections au Parlement écossais et à
l’Assemblée galloise. » 2016 : « 4 avril :
Journée de la racine carrée, la première depuis
sept ans. » Encore plus fort : une catégorie de pages
par dizaines d’années, années 2060, 2070, etc. La
décennie 2100 n’est pas vide : « Fin prévue de
la restauration complète du musée Albertina à
Vienne. » En suivant le lien vers la page consacrée
au musée, on lisait en effet : « Les grandes salles de
cette résidence, la plus vaste de toutes celles des Habsbourg,
retrouveront leur splendeur d’autrefois, avec des tentures de soie et
des sols marquetés. Il est prévu qu’elles s’ouvrent au
public pour la première fois dans près d’un siècle,
c’est-à-dire dans les années 2100. » Sur la
page de discussion, un anonyme s’étonnait : « Heu....
le musée ouvrira ses portes dans les années 2100 ? vous
êtes certains de ça ? En plus ils n’en parlent pas sur
les articles anglais et espagnols... » Sur le site du musée,
pas un mot non plus là-dessus. On laissait ce wikifeuilleton,
comme une bouteille à la mer, alerter les Wikipédiens
de cette prévision un rien ubuesque.