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Arnaques à la nigériane

Dossier : Escrocs et croque-escrocs sur internet

Arnaques à la nigériane

Arnaques à la nigériane
Mis en ligne le lundi 10 septembre 2007 ; mis à jour le mardi 4 mars 2008.

Publié dans le numéro III (juin 2007)


 

Le mot spam désigne les communications électroniques massives non sollicitées par les destinataires, à des fins publicitaires ou malhonnêtes. SPAM, marque de jambon en boîte créée par Hormel Foods en 1937, serait la contraction de « SPiced hAM » ou l’acronyme de « Shoulder of Pork and hAM ». Le mot doit sa gloire à un sketch des Monty Python dans lequel le mot envahit la conversation — le sketch étant lui-même la parodie d’une pub radiophonique pour SPAM, pendant laquelle la marque était répétée en boucle : spam spam spam... Ajoutez cela au fait que le SPAM fut la nourriture de base des soldats américains pendant la Seconde Guerre mondiale : et c’est ainsi que le terme devint synonyme de « cochonnerie ». Puis de « cochonnerie informatique ». Il existe différents types de spams... dont les scams, qui désignent les escroqueries... dont le nigerian scam, ou « arnaque à la nigériane », dont voici l’histoire.

 Boîte de spam

L’arnaque à la nigériane, nigerian scam ou scam 4-1-9, est un type de spam qui repose sur le principe suivant : un message (à l’orthographe souvent douteuse) demande de l’aide afin de transférer des fonds depuis un compte en banque. Le destinataire est censé jouer les intermédiaires pour la transaction, et toucher ce faisant une partie du pactole... qui bien sûr n’arrive jamais.

Le scam 4-1-9 est une advance fee fraude (ou « fraude par avancement de frais ») : pour obtenir la somme d’argent promise, le pigeon doit avancer des frais censés correspondre aux frais de notaire ou aux frais bancaires. Une fois que la bonne âme a tout payé, l’escroc disparaît dans la nature sans avoir versé le moindre centime. Les paiements extorqués ayant été versés par Western Union, il n’y a aucun moyen de remonter jusqu’à l’escroc.

L’appellation « fraude 4-1-9 » vient de la numérotation relative à un texte de loi du Nigéria — car à l’origine, la plupart de ces escrocs se trouvaient au Nigéria. Aujourd’hui, les cyber-escrocs ont d’autres bases : l’Afrique du Sud, le Togo, le Bénin et la Côte d’Ivoire. En Europe, c’est aux Pays-Bas et en Angleterre que les escrocs sont le mieux implantés, mais on en trouve aussi en Espagne, en Russie, en Ukraine et en France.

Pour contrer les escrocs, il y a la police (1) — mais aussi et surtout la communauté des chasseurs d’escrocs ou scambaiters*, actifs sur le net depuis les années 1990.

Ne jamais, jamais, jamais répondre à un scam est la règle de bon sens à appliquer. Les escrocs obtiennent l’adresse mail de dizaines (de milliers) de personnes (dont vous !) en la récupérant dans des listes informatiques qui trainent sur le réseau : forums, livres d’or, etc. La chasseuse de scams Julia Brandeau [cf. entretien pages suivantes] explique ainsi : « Je vous propose un petit jeu amusant : allez dans Google et faites la recherche suivante : « Livre + d’or + mugu* ». Vous allez tomber dans des livres d’or ; cherchez parmi les messages dans le livre d’or et vous verrez qu’il y aura un message qui sera : « mugu guy men keep off » (ou similaire). Ce sont des messages que laissent les mugu pour marquer leur territoire et ainsi dire aux autres mugu que toutes les adresses mail de ce livre d’or leur appartiennent. »

On pourrait croire que ces cyber-arnaques sont intrinsèquement liées à l’invention du web. Et pourtant, si bien sûr les technologies sont nouvelles, le principe du scam, lui, est beaucoup plus ancien.

En 1836, Vidocq écrit Les Voleurs, livre qui a pour sous-titre : Ouvrage qui dévoile les ruses de tous les fripons et destiné à devenir le vade-mecum de tous les honnêtes gens. Ce dictionnaire d’argot est agrémenté d’une présentation des escrocqueries les plus courantes. Or, parmi elles, on trouve les « lettres de Jérusalem (2) ».

Extrait : « De la fin de 1789 à l’an VI de la République, des sommes très considérables, résultats de lettres de Jérusalem, sont entrées dans les diverses prisons du département de la Seine et notamment à Bicêtre. En l’an VI, il arriva dans cette dernière prison, et dans l’espace de deux mois, plus de 15 000 francs. Voici quelle était la manière de procéder des prisonniers qui voulaient faire un arcat, c’est-à-dire escroquer de l’argent à une personne au moyen d’une lettre de Jérusalem. Ils se procuraient les adresses de plusieurs habitants des départements, et, autant que possible, ils choisissaient ceux qui regrettaient l’ancien ordre de choses et qu’ils croyaient susceptibles de se laisser séduire par l’espoir de faire une opération avantageuse ; on adressait à ces personnes une lettre à peu près semblable à celle-ci :

Monsieur, Poursuivi par les révolutionnaires, M. le vicomte de ***, M. le comte de ***, M. le marquis de ***, au service duquel j’étais en qualité de valet de chambre, prit le parti de se dérober par la fuite à la rage de ses ennemis ; nous nous sauvâmes, mais suivis pour ainsi dire à la piste, nous allions être arrêtés lorsque arrivâmes à peu de distance de votre ville ; nous fûmes forcés d’abandonner notre voiture, nos malles, enfin tout notre bagage ; nous pûmes cependant sauver un petit coffre contenant les bijoux de Madame, et 30 000 francs en or ; mais, dans la crainte d’être arrêtés nantis de ces objets, nous nous rendîmes dans un lieu écarté et non loin de celui où nous avions été forcés de nous arrêter ; après en avoir levé le plan, nous enfouîmes notre trésor, puis ensuite nous nous déguisâmes, nous entrâmes dans votre ville et allâmes loger à l’hôtel de ***. Nous nous informâmes en soupant d’une personne à laquelle on pût, au besoin, confier des sommes un peu fortes ; nous voulions charger cette personne de déterrer notre argent, et de nous l’envoyer par petites parties au fur et à mesure de nos besoins, mais la destinée en ordonna autrement. Vous connaissez sans doute les circonstances qui accompagnèrent l’arrestation de mon vertueux maître, ainsi que sa triste fin. Plus heureux que lui, il me fut possible de gagner l’Allemagne, mais bientôt assailli par la plus affreuse misère, je me déterminai à rentrer en France. Je fus arrêté et conduit à Paris ; trouvé nanti d’un faux passeport, je fus condamné à la peine des fers, et maintenant, à la suite d’une longue et cruelle maladie, je suis à l’infirmerie de Bicêtre. [...] Je n’ai pas l’honneur de vous connaître personnellement, mais la réputation de probité et de bonté dont vous jouissez dans votre ville, m’est un sûr garant que vous voudrez bien vous acquitter de la mission dont je désire vous charger, et que vous vous montrerez digne de la confiance d’un pauvre prisonnier qui n’espère qu’en Dieu et en vous. [...] Je trouverais les moyens de vous faire parvenir le plan, de sorte qu’il ne vous resterait plus qu’à déterrer la cassette ; vous garderiez le contenu entre vos mains ; seulement vous me feriez tenir ce qui me serait nécessaire pour alléger ma malheureuse position. Je suis, etc.P.S. Il n’est pas nécessaire de vous dire qu’une affaire semblable à celle que je vous propose doit être faite avec la plus grande discrétion [...].


Toutes les lettres de Jérusalem étaient calquées sur le même modèle, et tous les jours il en sortait, des prisons de la Seine, une très grande quantité.
[...] [L’escroc] était prêt, disaitil, à envoyer [à sa victime] le plan qui devait le guider dans ses recherches ; mais pour le moment cela lui était impossible [...] ».

Le procédé des lettres de Jérusalem était donc exactement le même que celui des scams. Vidocq s’improvise même scambaiter en répondant à une lettre... À ce qu’il dit, les destinataires de ce genre de courrier seraient dupes une fois sur vingt. Proportion qui semble avoir baissé... mais le commerce reste juteux, puisqu’il continue. Et il y a régulièrement des cas de disparitions dramatiques liées aux scams 4-1-9 : assassinat d’un Américain ayant tenté de récupérer son argent en 1995, assassinat d’un Grec en 2004... Non, il ne faut décidément jamais répondre à un scam : ce n’est pas une jolie orpheline qui vous écrit, c’est une mafia.

1. La BEFTI (Brigade d’enquêtes sur les fraudes aux technologies de l’information) et l’OCLCTIC (Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication).
2. « L’activité épistolaire des bagnards : les lettres de Jérusalem au bagne de Brest », d’après Frédérique Joannic-Seta, Le Bagne de Brest. Naissance d’une institution carcérale au siècle des Lumières, Presses Universitaires de Rennes, 2000, lisible sur : www.languefrancaise.net/dossiers/

 

PETITE TERMINOLOGIE DE L’ESCROQUERIE MODERNE
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Un scam est une escroquerie. Une scam romance est une escroquerie amoureuse où l’on soutire de l’argent, généralement pour un proche qui est malade... Le phishing (« hameçonnage ») consiste à tromper le destinataire en faisant passer un mail pour un message de sa banque ou d’un service protégé par mot de passe. Le but est de récupérer les données des destinataires (mots de passe, numéros de carte bancaire) en les attirant sur un site factice enregistrant toutes leurs actions. Un hoax est un canular transmis par « lettrechaîne » accumulant un grand nombre d’adresses électroniques. Les spammers s’en servent pour récupérer les adresses à partir du début de la chaîne. Cf. www.breakthechain.org

 

TOP TEN DES SCAMS 4-1-9
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1. NENITA VILLARAN
2. SAFIA FEDDAG
3. LAARNI ENRIQUEZ
4. CLEMENCE BARE
5. BEVERLY MURRAY
6. CHANTAL KOUAKOU
7. TERESITA RAMIREZ
8. ESTELLE TOURE
9. AKU FOFANA
10.
MARIAM POKU

 

ARGOT AFRICAIN (1)
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es brouteurs ou farotteurs font du « bizness ». Ils sont les animateurs du coupé-décalé, courant musical de Côte d’Ivoire(2). Brouteur vient de « brou », mot local (en dioula et gouro) signifiant « pain ». Un brouteur est une personne qui cherche son pain de manière malhonnête. Un farotteur est quant à lui un adepte du coupé-décalé. C’est quelqu’un qui aime se produire en public, montrer son argent aux autres, étaler sa fortune mal acquise... Le terme est synonyme, en nouchi (argot ivoirien), de boucantier : celui qui fait du boucan au sujet de son argent. Toujours en argot ivoirien, *mugu signifie « niquer », « baiser ». Le mot a pris le sens d’« arnaquer » : les muguman sont les escrocs. Le terme sert aussi à désigner les personnes arnaquées.

1. Explications de Jonas d’Abidjan, sur : www.croque-escrocs.com
2. « Les origines douteuses du coupédécalé », sur : www.afrik.com

 

 

TERMINOLOGIE DES CHASSEURS DE SCAMS
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Le mot *scambaiting vient de scam et de bait (appât). Le but du scambaiting est de faire croire à l’escroc que l’on est tombé dans le piège, et ainsi de lui faire perdre du temps, de protéger les autres victimes potentielles, et de recueillir des faux documents pour les divulguer au public et les rendre inutilisables par l’escroc. L’obtention de trophées, pièces à convictions (le plus souvent absurdes) de l’existence de l’escroc, est le but ludique des scambait. Le Lad Vampire a été créé par Artists Against 419 ; c’est une page internet (légale) permettant, avec une simple connexion internet, de bombarder des sites appartenant à des organisations d’escrocs.

 

 

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