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Crédit mutuel : un rêve d’enfant

Crédit mutuel : un rêve d’enfant

Crédit mutuel : un rêve d'enfant
Mis en ligne le lundi 15 octobre 2007 ; mis à jour le lundi 17 septembre 2007.

Publié dans le numéro V (septembre 2007)

Ses parents, c’est les deux, là-bas, tout au fond, sous le parasol rayé. Elle : maillot une-pièce blanc, sobre et chic, grand cabas beige. Lui : bermuda orange et corps d’athlète. En un mot : de bons et beaux bourgeois. On est en automne : voyez plutôt dans le fond de l’image les six clampins sur la plage, habillés de pied en cap alors que l’ombre indique qu’on est dans le creux de l’après-midi. Et on est sans doute en Bretagne : pays des crabes dormeurs, cancer pagurus, ou encore tourteaux à pinces noires.

La petite fille ne construit pas de chateaux de sable ou en Espagne, ne joue pas à la balle, ni même à la police et aux voleurs façon cowboys. Non. Elle joue au banquier et au voleur. C’est un jeu nouveau. Avec son petit seau et son rateau, elle n’a rien trouvé de mieux à faire que de dessiner le système d’alarme de sa maison. Attention, elle est pourtant loin d’être sotte. Veuillez déjà noter son rêve : si j’étais banquier. Volonté de réussite notable, à l’âge où tant de petites têtes folles veulent être vétérinaire ou mannequin. Et on notera (sans s’y attarder, hélas, faute de place) l’emploi du masculin, « banquier », de la banquière en herbe. Outre de l’ambition, cette petite fille a du vocabulaire, ou du moins le sens de la périphrase propre aux gens respectables. Si j’étais banquier, je protègerais la maison de mes clients des visiteurs indélicats. Allons chercher le Petit Robert en espérant que ledits visiteurs ne l’aient pas emprunté. « Indélicat : Qui manque de délicatesse morale, de tact. Grossier, goujat, mufle. Inélégant. Malhonnête et déloyal. » Mais voilà que la délicatesse devient désir dans l’explication de l’image, où la phrase est en effet : En cas d’absence de courte durée ou prolongée, votre maison n’est pas à l’abri d’un visiteur indésirable.
Par opposition au visiteur désirable, celui qui nourrit le chat, arrose les plantes vertes, se vautre sur votre canapé, le Petit Robert nous présente les « Indésirables : dont on ne veut pas dans une communauté, un groupe. Intrus. Persona non grata. » Ainsi, pas question de parler de voleurs, filous, cambrioleurs : nous vivons dans un monde policé où le voleur est persona non grata, personnage inélégant manquant de tact et à qui nous ne pouvons, hélas, ouvrir la porte de nos maisons.

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Mais déjà le Crédit Mutuel prend les choses en main. En quatre temps, façon James Bond.
1. L’intrus est détecté par le système d’alarme dès son entrée [à croire qu’avant, cela prenait un certain temps] et déclenche une sirène dissuasive qui le déstabilise [à croire qu’avant, les sirènes égrenaient de jolis morceaux de musique réconfortants pour les oreilles].
2. Un agent EPS, informé à distance, appelle chez vous et demande le code confidentiel. On imagine aisément la scène.
Allô, visiteur indésirable ? Quel est le numéro de code confidentiel, s’il te plaît ? [car l’agent EPS tutoie le visiteur indésirable, selon cette vieille habitude consistant à mal parler aux indésirables].
3. Si personne ne décroche ou si le code est erroné, un Agent de Sécurité intervient sur place. C’est le moment fort du plan du Crédit Mutuel : le cas où « le code est erroné ». Qui paraît terriblement improbable.
Allôôô, visiteur indésirable, gentleman cambrioleur ? quel est le code ?
Euh... 8345 !
Répète voir ?
8345 !
Code erroné ! Te voilà démasqué, caramba ! filou ! indélicat !
Quel voleur décrocherait et, sans se démonter, inventerait un code sur le champ ? Je ne vois que Mamie, venue nourrir le chat sans prévenir, cette idiote. Déstabilisée par la sirène dissuasive et son alzheimer, elle répond n’importe quoi. L’Agent de Sécurité intervient, rottweiler en main. Résultat des courses : un chat en moins, un problème familial en plus.
4. En cas d’effraction, les forces de l’ordre sont averties et un gardiennage est organisé. Pauvre petite fille ! Elle qui était à la plage il y a deux jours, voilà que les forces de l’ordre entourent sa maison. Les forces de l’ordre, on vous dit. Comme à la télé. Pour protéger quoi, au fait ? Les choses, comme dirait Perec.

La première porte ouvrirait sur une chambre. Un tableau en occuperait le fond, à droite, une lampe halogène, à gauche, un téléphone avec fil. Plus loin, il y aurait un gros pouf de cuir naturel. Dans la salle de bains, l’étonnante baignoire, noire et blanche, avec ses pattes de lion, surprendrait par sa perfection un peu formelle.

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